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Lettre ouverte à l’assurance maladie, aux mutuelles et aux politiques

Dernière mise à jour : 21 oct. 2022





Vous pensez peut-être que le choix de l’allaitement maternel est un choix personnel et individuel. Vous avez le sentiment que l’alimentation d’un enfant relève de la responsabilité de ses parents. Cela touche à l’intimité de la mère. Le choix d’allaiter implique comme la maternité une mise en jeu du corps. Et pourtant, aujourd’hui encore des couples qui ont fait ce choix échouent dans leur projet parce qu’ils n’ont pas les clés et le soutien nécessaire. Les études scientifiques, les professionnels de santé et les pouvoirs publics s’accordent autour des bénéfices de l’allaitement pour la santé au sens de sa définition OMS pour les enfants comme pour les femmes. Pour aller plus loin, pour que l’allaitement devienne la norme dans notre culture française nous avons collectivement et individuellement des progrès à réaliser.

Pourquoi cette notion de culture de l’allaitement est-elle importante ?

Comment l’éducation collective et individuelle permettra-t-elle de changer les regards ?

Que faire pour développer une promotion de l’allaitement respectueuse de chacun et bienveillante ?

Comment soutenir l’allaitement ?


Pourquoi cette notion de culture de l’allaitement est-elle importante ?


Selon l’anthropologue Levis- Strauss, « la culture concerne l’ensemble des règles, des comportements et des attitudes, tellement intériorisés au sein d’un groupe que les individus n’en n’ont plus conscience » Comment ces règles sont-elles intégrées ? C’est au sein du groupe, au quotidien, enfants et adultes voient les autres agir se comporter et vivre. C’est ce bain dans la culture qui amène chacun à l’assimiler, à cesser de remettre les comportements en question, à les adopter comme naturels et à les reproduire.


Ce schéma et ce mode de pensée s’applique naturellement à l’allaitement et à l’ensemble du parentage. Hors depuis les années 50 c’est la culture du non-allaitement qui est prédominante. S’ajoute à cela la diminution des fratries et l’éloignement des familles. Les jeunes adultes en âge de devenir parents sont nombreux à ne jamais avoir réellement vécu avec un bébé. Ils n’ont pas ou peu vu de comportements de maternage et encore moins d’allaitement. C’est à travers les écrans qu’ils construisent alors leurs représentations. Ainsi, agir sur la culture de l’allaitement pour donner à tous les clés de réussite dans leur projet c’est effectivement se donner les moyens d’éduquer de promouvoir et de soutenir.


Comment l’éducation collective et individuelle permettra-t-elle de changer les regards ?


L’éducation collective, c’est informer dès le plus jeune âge des bénéfices de l’allaitement.

Pour cela nous pourrions ajouter au programme scolaire un chapitre abordant ses bénéfices et sa physiologie pour que garçons et filles en sachent plus.

D’un point de vue individuel, aujourd’hui chaque future maman bénéficie de l’entretien précoce au cours duquel elle peut initier sa réflexion et exprimer ses questions et ses inquiétudes.


De nombreuses sages-femmes proposent des séances de préparation à la naissance qui abordent la question de l’allaitement. Mais nous pouvons aller plus loin pour informer les couples, leur donner les clés qui leur permettront d’initier l’allaitement dans de bonnes conditions. Nous pouvons comme le proposent les maternités labelisées IHAB, organiser pour chaque couple une rencontre avec une consultante en lactation (professionnel formée spécifiquement sur l'allaitement IBLC ou DUILHAM). Ce temps de préparation complémentaire au travail des sages-femmes permettrait de donner aux couples des éléments de physiologie, des points de repère sur les besoins du bébé allaité, son rythme, ses compétences ou encore le rôle primordial du père (ou co-parent). Comme pour la préparation à la naissance ces séances pour être accessibles à tous devraient être gratuites pour tous les couples.

Ainsi éduquer c’est donner à tous les clés d’un allaitement réussi. Cependant, aujourd’hui certains couples en raison de cette notion culturelle n’envisagent même pas la possibilité de l’allaitement. Comment promouvoir celui-ci de façon respectueuse et bienveillante ?


Que faire pour développer une promotion de l’allaitement respectueuse de chacun et bienveillante ?


Depuis 1981 le code sur la commercialisation des substituts du lait maternel réglemente la publicité et le markéting des firmes industrielles afin de limiter le marketing agressif et abusif. En bons commerciaux, et l’enquête de l’OMS de février 2022 le montre, ces firmes ont su contourner cette législation pour maintenir le flou sur leurs produits et des doutes autour de l’allaitement. Peut-on aller plus loin et comme pour le tabac interdire toute publicité ? Ou au contraire doit-on mettre en place une promotion active ?

  • En informant les futurs parents sur ce que sont les laits artificiels, des produits ultra-transformés nocifs pour la santé

  • En limitant au maximum la distribution de ces produits dans les banques alimentaires et en proposant l’accompagnement et le soutien de l’allaitement.

  • En récompensant les films, les émissions, les publicités qui montrent des bébés allaités ?

  • En pensant les espaces qui accueillent parents et enfants comme des espaces offrant confort et intimité aux mamans allaitantes.

  • En adaptant le monde du travail et de l’entreprise pour faciliter la poursuite de l’allaitement lors de la reprise du travail (avec des congés maternité et paternité plus longs, avec des crèches d’entreprises sur place afin de permettre aux mères de donner le sein à leur bébé, avec des salles d’allaitement pour tirer leur lait…) Il existe de nombreuses solutions, nous pouvons individuellement et collectivement nous montrer créatifs. D’autant qu’un bébé allaité c’est un bébé en meilleure santé donc moins de consultations médicales et moins d’hospitalisations, moins de frais pour la sécurité sociale et moins d’arrêts maladie pour ses parents.

Ces différentes actions et bien d’autres favoriseront le changement de regard sur l’allaitement, pour que celui-ci devienne la norme, permette aux jeunes parents de l’envisager comme une évidence. Enfin, il nous faut aussi soutenir l’allaitement pour que les 56% des femmes qui allaitent leur bébé en sortie de maternité poursuivent cet allaitement (Elles ne sont plus que 34% à deux mois- enquête nationale périnatale 2021)


Comment soutenir l’allaitement ?

Ce soutien passe inévitablement par la formation de l’ensemble des professionnels de la santé, de la périnatalité et de la petite enfance et par la mise en place d’actions collectives et individuelles comme le propose le rapport de la commission des 1000 premiers jours.


En formant les professionnels de santé


A l’heure actuelle, la formation de ces professionnels est encore largement insuffisante et parasitée par une culture du non-allaitement. Hier encore j’ai accompagné une maman à qui son médecin généraliste avait dit que « son bébé de 2 mois tétait trop souvent et devait espacer ses tétées » Ces propos sont clairement inspirés par une méconnaissance de l’allaitement et de sa physiologie, ce bébé tétait environ 8 fois par jour ce qui est tout à fait normal pour un bébé allaité. Mais ces propos ont inquiété la maman qui s’est alors questionnée sur la qualité de son lait, a fait attendre son bébé et espacé les tétées, a affronté plus de pleurs en journée et des tétées plus fréquentes la nuit… Les propos de ce médecin appuyés sur des connaissances liées aux biberons ont ainsi déstabilisé cette maman et mis en danger son allaitement. Ce petit exemple, anodin et quotidien illustre largement la nécessité de faire prendre conscience aux professionnels des schémas et des idées préconçues et de les former toujours plus.


En accompagnant les mères qui rencontrent des difficultés en individuel et en collectif

Le rapport de la commission des 1000 premiers jours souligne aussi les bénéfices du soutien entre pairs. Ainsi toutes les actions qui permettront aux parents de se retrouver d’échanger et de se soutenir autour de l’allaitement permettront aux parents de prendre conscience de leurs compétences et de celles de leur bébé, de se sentir moins seul et de trouver les ressources, l’aide, les conseils et le soutien dont ils ont besoin pour construire leur façon d’allaiter et de vivre celui-ci. Aujourd’hui il existe peu de groupe de parents, ou réunion de mères de ce type. Il est donc nécessaire de les développer. Les mamans qui intègrent ce type de groupe pendant leur grossesse participent ensuite plus aisément et donc profitent plus largement et plus facilement de ce soutien entre pairs.


Enfin dans certaines circonstances et face à certaines difficultés , l’accompagnement collectif n’est plus suffisant et certaines mamans ont besoin d’un soutien individuel. Il faut pour cela qu’elles aient connaissance des bénéfices d’une consultation d’allaitement et sachent où trouver un professionnel compétent.


Ainsi, cette lettre ouverte s’adresse à la sécurité sociale et aux mutuelles, qui en remboursant les consultations d’allaitement pré et post-natal, soutiendrez efficacement l’allaitement. Quant à vous personnalités publiques et politiques vous pouvez agir sur les lois et la culture, pour que l’allaitement soit plus visible, pour qu’il devienne la norme, pour financer les groupes de parents.



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